Sophie Ristelhueber
L’artiste française Sophie Ristelhueber utilise le médium de la photographie pour mener une exploration de notre réalité qui diffère considérablement des intentions des photojournalistes ou réalisateurs documentaires. Elle a acquis une reconnaissance à partir des années 1980 avec ses séries de photos, notamment celles prises dans le Beyrouth déchiré par la guerre (1982—1984) et l’Arménie frappée par un tremblement de terre (1989). Elle regroupe ses photos sous le titre commun Details of the World. Ces images représentent des traces ou des cicatrices infligées par l’homme à la nature ou les marques que la nature a laissées sur les créations humaines. Les photos montrent des bâtiments ou des routes détruits, mais aussi des lignes de démarcation, des traces dans la nature, des poteaux électriques ou de communication érigés dans des paysages vierges, et des cratères formés par des explosions de bombes.
Pour son projet d’exposition au musée Dhondt-Dhaenens, elle a choisi de reprendre trois images de sa série Every One (1994). Il s’agit de photos de corps marqués par des cicatrices. Cette série est née d'un voyage qu’elle a fait en 1991 à travers l’ex-Yougoslavie, au moment où la guerre éclatait entre les Serbes et les Croates. Par l’exploration détaillée de la surface de la peau via l’objectif, les corps deviennent des paysages imaginaires redessinés par une blessure causée par l’homme. La cicatrice est le résultat de la guérison après la blessure, devenant non seulement un symbole de souffrance mais aussi un hommage à la résistance contre la violence.
Lors de l’exposition de son travail, Sophie Ristelhueber opte systématiquement pour une expérience physique de ses images. L’échelle des photos est ajustée à l’espace d’exposition, et en fixant les photos au mur comme du papier peint, elles perdent leur caractère d’objet et se fondent dans l’espace. Les images verticales sont interrompues par des fenêtres qui offrent une vue sur le jardin du musée, un morceau de nature tout aussi soumis au désir de l’homme de délimiter et d’approprier. Le son d’une fermeture éclair qui résonne renforce l’atmosphère déconcertante et douloureusement ressentie dans l’espace.